"Anita, de Groix"

"Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire"

Il était une fois l’Île...

Publié le 1er octobre 2015 à 15:49 - 1ere mise en ligne le 26 septembre 2015
Extrait d’une carte de 1693 attribuée à Charles Pene

ou une élucubration d’un soir de septembre.

Les historiens situent approximativement l’arrivée des premiers humains au centre du monde, c’est à dire sur l’île, 3000 ans avant notre ère. Par contre le premier patronyme du premier habitant, tel qu’on l’entend aujourd’hui n’est apparu dans les textes qu’au 12ème siècle : le Cartulaire de l’Abbaye Sainte Croix de Quimperlé cite en effet un nommé Gunthiern, prince gallois qui se serait réfugié à Groix vers l’an 550, y aurait fondé un prieuré avant d’aller s’installer dans un lieu qui deviendra plus tard Quimperlé. Mais la vie de Gunthiern est une longue histoire qui n’est pas l’objet de notre propos.

Donc, au tout début de l’arrivée des hommes ici, les noms de famille n’existant pas encore, tout le monde s’appelait ON (devenu Hon avec un H plus tard par des erreurs d’écriture des premiers copistes).
Les conversations commençaient alors invariablement par : On a dit… On a fait… On pense ( Eh oui déjà !) etc... Mais avec l’accroissement de la population il y eut tellement de On…. qu’On ne s’y retrouvait plus et arriva ce qui devait arriver. Un beau jour quelqu’un dont le nom est resté inconnu jusqu’à ce jour, sans doute en colère ou ayant abusé de l’euphorisant de l’époque s’écria : « ON EST UN C..N »
Comme vous pouvez vous en douter, cela jeta un froid dans l’assemblée car nombreux furent ceux qui se sentaient concernés et attaqués dans leur honneur. L’auteur de cette phrase historique fut agressé, certains souhaitant même sa mise à mort. D’autres essayèrent de le protéger et de fil en aiguille, une guerre éclata.
L’île se coupa en deux chaque camp prit un nom de guerre : Piwisi à l’ouest et Primiture à l’est. C’est cette guerre qu’ils avaient nommée lucidement au début la Première et qu’ils rebaptisèrent à tort plus tard : la Dernière. On verra pourquoi.
Personne ne connaît le bilan de ce qui fut peut-être une hécatombe mais toujours est-il qu’à la fin (les guerres ont heureusement toujours une fin !) la paix revint et les survivants se mirent d’accord pour éviter que les mêmes causes donnent les mêmes effets à l’avenir. Ils décidèrent d’un commun accord qu’il fallait bannir le nom de On et donc en trouver un autre. Pour ne pas trop perturber l’organisation fragile de la société de l’époque, ils se contentèrent d’ajouter une caractéristique à chaque On pour le différencier des autres et c‘est ainsi qu’ils inventèrent le Sur-On, l’ancêtre de notre surnom actuel.

Tout alla pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où des Sur-On eurent l’idée saugrenue de créer pour d’obscures raisons l’Etat-Civil. Ce dernier exigea que soient enregistrés dans de grands livres les naissances, mariages et décès. Alors les Sur-On se rendirent compte que ça ne pouvait pas continuer. En effet au fil des ans les Grand-On, Petit-ON, Gros-On,Sale-On, Vieux-On… se multipliaient et même en précisant le nom du village et celui des ancêtres, il devenait impossible de s’y retrouver. Le maire mariait des dizaines de Jeunes-On tous les ans et une nouvelle maladie contagieuse, la polygamie, fit même subrepticement son apparition. Personne ne savait plus qui était avec qui et cela posait des problèmes insolubles dans la préoccupation essentielle de nombreux Sur-ON : les héritages.
La catastrophe devenait imminente et une nouvelle guerre opposa les partisans et les opposés à ce fameux Etat-Civil. Ce fut la Deuxième Guerre insulaire et depuis, il n’y en a pas eu d’autre de cette ampleur. Cela n’empêche pas les descendants des premiers On de continuer un peu partout dans le monde de s’entretuer pour un oui pour un On.
Cette guerre s’arrêta un beau jour (C’est toujours un beau jour celui de la fin d’une guerre) sur un coup de tonnerre. Une tempête mondiale couvrit la terre pendant des jours et des jours empêchant la poursuite du conflit qui se noya entrainant avec lui tous les registres d’Etat-Civil.

Une ère nouvelle commença lors sur l’île avec l’arrivée des « ÇA A DIT »
Le premier « Ça a dit » arriva sur un bateau de pirates vikings qui écumaient les côtes d’Armorique à cette époque. Blessé au cours d’une attaque de l’île, il fut oublié par le reste de son équipage. Il se cacha quelques jours dans la forêt jusqu’à ce qu’une femme qui ramassait du bois mort le trouva. Elle était veuve et habitait dans une chaumière isolée à la sortie du village. Elle le soigna et quelques temps plus tard, elle raconta son aventure à l’ermite qui vivait au bout de l’île. Celui-ci dans sa grande sagesse lui dit que c’était Dieu qui avait voulu cela et qu’Il lui demandait de vivre avec cet étranger si elle le voulait. Ce qui apparemment ne lui posa aucun problème ; Il était jeune, il était beau, il sentait bon le sable chaud... (vous connaissez la suite) et bientôt des enfants aux cheveux blonds égayèrent la chaumière.
Le reste de l’île se rallia à l’avis du moine. Il ne fallait surtout pas aller à l’encontre d’une décision de Dieu même si l’envie d’occire l’étranger était forte chez certains.
Quand il commença à parler et comprendre notre langue, comme sa femme débutait souvent ses phrases par « Ça a dit… » il cru que c’était son nom en langage local et lui aussi commença toutes ses phrases par « ça a dit ».
La famille "Ça a dit" était née et au fil des ans, on ne vit bientôt plus qu’eux dans l’île. Le risque d’un nouveau conflit se précisait. De lourds nuages noirs arrivaient par Pen Men.

Mais pour des raisons encore mystérieuses, les « Ça a dit » disparurent petit à petit. Des mauvaises langues disent que fortune faite dans le commerce juteux des vins et des spiritueux de toute sorte, ils quittèrent l’île. D’après eux, tout ce qu’on pouvait faire ici c’était d’essayer de gagner beaucoup d’argent et de partir. La population diminuait au fil des ans et les vieux n’étaient pas de bons clients (sinon ils ne seraient pas devenus vieux !)

Une guerre, petite celle là, et dans un pays étranger, amena un beau jour une colonie de « T’as su ». Ils firent vite souche et bientôt il ne pouvait pas se passer une journée sans qu’on rencontre un « T’as su » et c’est ainsi qu’on refaisait le monde tous les matins en allant chercher son pain ou son journal. Le problème avec les « T’as su » c’est qu’on finit par ne plus rien savoir. Le T’as su du soir n’était plus celui du matin . C’est comme ça qu’il y en a même qui ont su un jour… qu’ils étaient morts depuis la veille. Tu parles d’une surprise ! Même Dieu ne reconnaissait plus les siens. Il fallait faire quelque chose.

Des « Comment ça va » essayèrent bien de s’implanter dans l’île mais, connaître les problèmes de santé de tout le monde n’était pas bon pour le moral. On les abandonna et ils reprirent le Courrier pour la Grande terre.
On ne savait plus comment s’y reconnaître et une décision collective (c’est rare, très rare) fut prise : on va aller en pèlerinage sur la Grande Terre à la « Fontaine qui sait tout ». Elle nous dira bien comment faire.
Pour une fois le Courrier fut plein. Tellement plein qu’il lui fallut le renfort de tous les bateaux du bassin à flot. Ça a fait tout drôle pour ceux qui n’étaient pas sorti depuis des décennies. Il parait même que certains eurent le mal de mer.
A la fontaine, après que chacun eut payé son écot (il faut bien vivre) nous eûmes la solution à notre problème : « Allez chercher dans les archives. Il y a un très vieux registre. Vous y trouverez la réponse à vos problèmes.
Les archives lesquelles ? Celles de la mairie ? Comme elle a déménagé plus de dix fois, il ne doit plus y rester grand chose. A la « strouilh » de Quehello ? mais on vient de la fermer ! Quelle perte !

Le registre fut enfin retrouvé au fond du presbytère, là où tout est conservé depuis Gunthiern.
Et ce fut la foire d’empoigne.

Il était rempli de noms et chacun voulut choisir le sien. Presque toutes les pages furent arrachées et en fin de compte il ne resta plus que Tonnerre, Baron, Calloch ,Yvon, Adam et quelques autres. Il a bien fallu s’en contenter. On y rajouta des prénoms, des surnoms aussi mais on décida que, quand on se rencontrerait, on reprendrait la formule de nos ancêtres, ceux qui parlaient si bien la belle langue bretonne.
« Penoas e ma ar bed ganeoch » ce qui se traduit en langue vernaculaire actuelle par :
« Comment est le monde avec vous » devenu au fil des ans « Comment qu’c’est ? » A cette question en guise de bonjour, toutes les réponses sont bonnes et depuis l’île vit apaisée. (Si, il faut le croire. Il n’y a que la foi qui sauve paraît-il)
Pourvu que ça dure !

Source : un rêve !
Merci à Elizabeth et Jo…ils savent pourquoi.

JC Le Corre Septembre 2015 .

Commentaires :

  • Merci Jean-Claude. Grâce à toi, un grand pan de l’histoire groisillonne s’éclaircit enfin ! Il était temps !................................. Elizabeth Mahé

    ("Merci à Elizabeth et Jo…ils savent pourquoi." T’as su aussi Jo ? Mais t’as pas rien dit non plus... )

  • ah ah, excellent ! ça fait du bien de sourire... et nulle part il ne reste un Hont’assuçaaditcommentçava ? :-)
    en tous cas merci pour ce beau texte !
    iza

  • Superbe texte Shadockien, un régal

  • Jean-Claude : Jo le cachotier* n’aurait-il pas gardé pour lui les plus anciennes pages du registre, celles où l’on voit à la fin du XVIème siécle les noms de Le Gouzrong et Le Ricouz associés à Donnerch Tonnerch Tonnaire (au choix des copistes..) :-)) ?
    * Il doit bien y avoir des milliers de personnes à espérer que ses immenses connaissances soient mises à disposition des Groisillons. Puisqu’hélas ce ne peut se faire à l’Ecomusée, et ce depuis des années, quelques publications auraient beaucoup de succès (même avec l’aide de souscription ou crowfounding).
    Merci encore à ceux qui grattent patiemment les parchemins pour remonter notre histoire, sans la travestir sous les bannières et autres oripeaux.
    AM

  • L’espoir fait vivre.... jipem

    En Bref
    Publié le mercredi 23 septembre 2015 à 15:28

    La conservatrice en chef des musées débarquée
    Ariane James-Sarazin, 44 ans, fonctionnaire d’État, ne sera pas reconduite à la tête des musées d’Angers. En cause  : des problèmes relationnels avec plusieurs agents.
    N. HAMON Ouest-France 22/09/15

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